une balade en chanson à Narbonne, sur les pas de Charles Trenet…

« Je suis né à Narbonne, le 18 mai 1913, un dimanche après-midi. Le matin, ma mère avait été à la messe de onze heures, et moi, à trois heures, j’étais là »

On commence la visite face au magasin  « Aux Dames de France ». Le petit Charles passait par là tous les jours pour aller à l’école, c’est l’occasion pour nous de raconter ce qu’il voyait, ce qui l’a inspiré, dans cette ville alors dominée par le négoce du vin.

« Narbonne mon amie,

Douceur des premiers jours,

Ce soir fait l’endormie,

A l’ombre de ses tours… »

Passage par la promenade des barques, sur la rive gauche de la Robine, rendez-vous de tous les Narbonnais : Charles y accompagnait sa grand-mère, pour aller aux Halles. « Et soudain je débarque, sur les Barques tranquilles… »

De la rue du Pont à la place des Quatre fontaines

On emprunte ensuite la rue du pont des marchands, l’antique rue commerçante médiévale où l’on a depuis repéré les fondements de la voie Domitienne. Un mini-cours d’histoire et une chanson plus tard « La rue du pont m’accueille… » et nous voilà sur la place des Quatre fontaines, où jouaient alors les enfants. On est au cœur de la ville ancienne, et la guide nous fait remarquer aussi en passant, toujours entre deux chansons, « Les quatre fontaines, ton ton tontaine… » les crocs de boucherie qui ornent la façade d’une vieille boutique, une porte biscornue, un antique et imposant hôtel…Passage par la magnifique basilique saint Paul, construite au XIIème et XIIIème siècle, devant le baptistère où le bébé Charles fut baptisé. «

Itinéraire balisé vers la maison natale du chanteur

Puis c’est la passerelle du chemin de fer, qui relie les deux quartiers de Narbonne et conduit en face de la maison natale de Charles Trenet. Une immense fresque murale, réalisée en 1994 à partir d’un croquis de Trenet lui-même sur une nappe de restaurant, en indique aussi le chemin.

Hors saison touristique, le même itinéraire, balisé par des pavés à l’effigie de l’homme au chapeau, permet des visites individuelles. En une heure trente de promenade, on a autant appris sur l’histoire et l’architecture de la ville que sur le chanteur, joyeusement. Et si l’on veut en savoir plus encore, un autre parcours à travers le palais des archevêques, avec une troupe de comédiens, introduit au passé et aux personnages historiques de Narbonne.

Un appartement conservé au deuxième étage

Charles Trenet l’aimait, cette maison, au point de supplier : « Maman, ne la vends pas ! » Il y a passé les sept premières années de sa vie, de 1913 à 1920, entre un père notaire et une mère amoureuse ailleurs. Après le divorce de ses parents, son frère et lui seront envoyés en pension à Béziers, avant de rejoindre leur père à Perpignan. Mais il conservera là, jusqu’à sa mort, un appartement installé au deuxième étage, au-dessus de celui de sa mère.

Dans cette demeure de notable provincial, aux fenêtres donnant sur la voie de chemin de fer, chacun retrouvera, en plus de sa mémoire, quelque chose de la vie quotidienne au XXème siècle. Transformée en musée en 2001, elle est restée « dans son jus », telle qu’il l’a connue, telle qu’elle a inspiré nombre de ses chansons. On y trouve les tapisseries fleuries et les volants de tissu de l’époque, des fauteuils de peluche rassemblés autour d’un volumineux postes de radio, le piano du « salon de musique » avec son tourne-disque Teppaz…

La chambre natale de Charles

On visite la chambre natale de Charles, et sa chambre de petit garçon, à côté, avec la porte responsable de ses cauchemars, parce qu’elle évoquait celle derrière laquelle Barbe-Bleue enfermait ses victimes ; cuisine et salle de bain « modernes » des années 1970 en prime. Partout, des souvenirs, des lettres, des photos parlent de l’univers de Trenet.

Il y a deux ans ont été ajoutés des écrans, astucieusement intégrés au décor (dans un vieux téléviseur, une fenêtre fictive, au fond du sauna où Charles passait chaque jour une demi-heure (pour soigner sa ligne après des repas conviviaux qui pouvaient durer des heures…) : y défilent des témoignages enregistrés, notamment de sa mère, toujours des chansons, et les grands moments de la carrière du chanteur.

Charles Trenet et Narbonne

La pochette du 45 tours de l'époque.

La drôle d’histoire de la chanson de Trenet “Narbonne mon amie”

La chanson qui symbolisait l’attente téléphonique de la Ville a connu un destin incroyable. L’ancien disquaire Claude Guy se souvient…Hier – comme aujourd’hui – le destin d’une chanson peut parfois échapper à toute prévision. Ainsi, “Narbonne mon amie” n’aurait jamais dû sortir du fond du catalogue Trenet. C’était sans compter sur l’opiniâtreté d’un disquaire narbonnais, Claude Guy. Avec son épouse Annie, il tenait naguère boutique dans la rue du Pont-des-Marchands à Narbonne en affichant logiquement une passion pour la musique.

Deuxième face B

Il avait repéré “Narbonne mon amie” sur un super 45 tours sorti en 1961 : “C’était le deuxième morceau de la face B et, après épuisement des stocks du 45 tours, on ne la trouvait que dans un coffret de 13 disques 33 tours appelé ‘Toutes mes chansons’. Je pensais qu’il était important que l’on puisse diffuser ce disque à Narbonne. J’ai donc contacté au début des années 80 la maison de disques, Pathé Marconi qui, face à mon insistance, a accepté d’éditer un 45 tours spécial avec ‘Narbonne mon amie’ en face A et ‘Douce France’ en face B, à condition que nous réglions les frais. Mille disques ont été fabriqués”.

Pour illustrer le 45 tours, Claude Guy fait appel à Jean Fagedet, qui prendra le cliché sur le toit de la maison natale de Charles Trenet. En 1983 enfin, le disque arrive. Pendant que son épouse décore la vitrine du magasin avec les 45 tours, Claude Guy se rend à la mairie pour en offrir un exemplaire au maire, Hubert Mouly. Et là, surprise, il tombe nez à nez avec… Charles Trenet, accompagné par son secrétaire Georges : “Je réalise alors que je n’ai pas averti Trenet de ma démarche, se remémore Claude Guy. Je fais demi-tour pour dire à mon épouse de ne pas mettre le 45 tours en vitrine. Trop tard. Je reviens vers Trenet et je lui raconte l’histoire. Il rétorque : ‘C’est gentil, ça me fait plaisir parce que j’aime cette chanson’. Le disque a connu un grand succès. Et la chanson, méconnue, s’est retrouvée en pleine lumière”.