Le 14 janvier dernier, nous avons appris le décès de Ricardo Bofill (1939-2022), architecte et concepteur du quartier d’Antigone à Montpellier, quartier initié par le maire George Frêche.
Il était revenu au mois de Juillet 2021 dans notre ville pour une séquence émotion, il n’y était pas revenu depuis 20 ans! Selon les personnes qui étaient présentes à ce moment là autour de lui, il y eut, dit-on, beaucoup d’émotions.
L’émotion de voir son “oeuvre ” montpellieraine accomplie, pas accomplie dans le sens de “fini” mais dans celui de la maturité, d’un quartier qui existe de manière à part entière. Il a été ému aussi de comprendre à quel point ce quartier d’Antigone, son quartier avait inscrit Montpellier dans l’histoire des villes où se joue un renouveau architectural, ces villes qui réfléchissent leur projet urbain, ces villes qui comme Montpellier, ont imaginé que le futur était là, sur ce terrain en partie militaire hors de la ville. On est en 1978…C’est le début de cette folle aventure : ouvrir la ville vers l’est et abandonner le style architectural dit International (Polygone/Triangle) pour une architecture qui se voudra audacieuse, déroutante, démesurée sous la houlette d’un architecte qui commence à se faire remarquer Ricardo Bofill.
Il a fallu y croire, convaincre, oser penser que c’était possible, oser offrir quelque chose de différent…on était fin des années 70 dans ce qui n’était encore qu’une petite ville de province. je vous laisse imaginer!
Il en a fallu du courage, je pense à Bofill, pour imposer son “style”, sa touche “Bofillienne”, son esthétisme néo classique. Lui, qui aimait dire ” faire de l’architecture sociale” au service des classes populaires.
Il a réussit, je pense, à faire un lien, 40 ans après, entre la ville ancienne et celle du XX eme siècle. Lors de son passage en 2021, il avait toujours des idées pour moderniser le quartier, son quartier! Ce fut son denier regard sur Antigone qui aujourd’hui devra faire sans lui.
40 ans après, ce quartier a réussi à s’affirmer malgré les critiques et moqueries. Il fait désormais partie de notre quotidien, s’inscrit dans notre patrimoine y compris dans notre patrimoine de citoyen et c’est un vrai témoin d’un moment fort de l’histoire locale; d’ailleurs Antigone s’est vu décerné en 2018 le label d’architecture contemporaine remarquable. Mission accomplie Ricardo!
Bofill vu par un autre architecte Piet Boon – Studio Piet Boon
“Dès le début de sa carrière, il s’est intéressé par le monde qui l’entourait, par le fonctionnement de la société et par l’évolution de celle-ci comme un organisme vivant. Tout est en relation avec le fait de vouloir réaliser des projets qui valent la peine. Cette réflexion et l’empreinte de toutes ces personnes ajoutent de la profondeur et de la qualité au travail.”
Réaction de Michaël Delafosse,
Maire de Montpellier, président de Montpellier Méditerranée Métropole
“Je viens d’apprendre avec stupeur et une profonde tristesse la disparition de l’architecte catalan Ricardo Bofill. Il est pour tous les Montpelliérains, tous les amoureux de Montpellier, une figure familière. Avec Georges Frêche, ils ont porté le projet novateur d’Antigone, développant la ville vers la mer. Au moment où les voitures étaient omniprésentes dans nos villes, il réalise une artère piétonne d’1,5 kilomètre.
Quand les maires plaçaient le logement social en périphérie des villes, Ricardo Bofill défendait la réalisation du logement social dans la ville, en posant une esthétique architecturale méditerranéenne.
Si Ricardo Bofill est un grand architecte international qui a porté de nombreux projets à travers la planète, il est profondément attaché et lié à Montpellier. Son nom, sa personnalité, font indéfectiblement partie de la grande histoire de Montpellier.
Au mois de juillet, j’avais invité Ricardo Bofill, sa compagne Marta de Vilallonga et son fils Pablo, à venir à Montpellier. C’était la première fois depuis plus de 20 ans qu’il marchait dans le quartier Antigone. Le désir commun qui était le nôtre était de continuer le travail d’Antigone, avec la percée vers le centre historique, mais aussi de questionner son œuvre, de s’interroger pour enrichir le quartier.
Je l’avais amené sur le rooftop de l’Arbre blanc. Il était débordant de projets, très heureux de voir qu’Antigone dialoguait bien avec le geste architectural de Sou Fujimoto. Il manifestait une profonde fierté de voir tous les aménagements le long du Lez, la reconquête de ses berges.
Il a réalisé une œuvre à la fois architecturale et d’ambition pour l’espace public, fait majeur à la fin du XXème siècle.
A cet instant, mes pensées les plus profondes vont vers sa famille, les équipes du Taller de arquitectura, mais aussi vers tous les Montpelliérains qui ont travaillé avec Ricardo Bofill.
Je me rendrai à ses obsèques. Dans les jours qui viennent, plusieurs hommages lui seront rendus : une exposition rétrospective à la Médiathèque Emile Zola, la dénomination d’un lieu en coeur de ville, un portrait sur la façade et un registre de condoléances à disposition du public à l’Hôtel de Métropole. Si Montpellier la surdouée avait un quartier, assurément, ce serait Antigone.”
Michaël DELAFOSSE, maire de Montpellier, président de Montpellier Méditerranée Métropole